Faire confiance au multilinguisme

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En 2012, les piliers de la Compagnie de théâtre KS and CO décide de créer une Ecole théâtre loin des sentiers battus des formations traditionnelles. Au coeur de leur pédagogie, Ewlyne Guillaume et Serge Abatucci mise sur la diversité linguistique.

Ce soir de juillet l’avion qui ramène en Guyane les comédiens du Théâtre École Kokolampoe (TEK), a du retard. Six soirs d’affilée, ils ont joué leur spectacle Le Songe d’une autre nuit, une adaptation du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare, au Festival Paris Quartier d’Été à Paris. « On a fait salle comble », annoncent Augustin Debeaux, Miremonde Fleuzin et Kimmy Amiemba, qui viennent de toucher leurs premiers cachets de comédiens. Âgés de 23 ans, ils forment la première promotion de 20 élèves sortis du TEK à l’issue des trois ans de formation. Trois comédiens pour trois langues maternelles : le français, le créole haïtien et le saramaka, la langue d’un peuple marron, descendants d’esclaves rebelles. Trois parcours aussi. Avant de rejoindre le TEK, Mirmonde suivait des cours de théâtre dans une école privée. Augustin se cherchait à la fac. Kimmy n’avait jamais été à l’école. Elle travaillait comme serveuse. C’est ainsi qu’elle a rencontré Ewlyne Guillaume et Serge Abatucci, les fondateurs du Théâtre École.
Valoriser les savoirs
En 2012, le TEK voit le jour en partenariat avec l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre (ENSATT) qui forme les 12 comédiens et le Centre de formation professionnelle aux techniques du spectacle (CFPTS) les huit techniciens de spectacle. C’est au Camp de la Transportation à St-Laurent-du-Maroni que le TEK s’installe dans d’anciens bâtiments du bagne. D’un côté de l’épais mur d’enceinte coule le fleuve Maroni. De l’autre, le Surinam. Les étudiants viennent des différentes populations de l’Ouest guyanais et ont des niveaux de maîtrise de la langue française et de l’écrit différents. Ce qui ne les empêche pas de travailler sur des classiques, à l’instar de Shakespeare. « Il était hors de question de brader l’enseignement », s’exclame Ewlyne Guillaume. Le principe de base : « chacun sait des choses » et donc chacun a à transmettre et à apprendre. « Pour expliquer un texte, on travaille par analogie. Parce que le théâtre touche à l’être, chacun peut trouver des échos dans sa culture. Il s’agit de s’accaparer le texte, de le faire sien », décline-t-elle.
A l’école des langues
L’apprentissage des textes se fait avec des répétiteurs bilingues. C’est ainsi que Kimmy qui ne savait pas lire tient le rôle principal de Solange dans Les Bonnes de Jean Genet. On lui lit le texte qu’elle mémorise. De ses années au TEK,  » ce fut le plus dur, confesse la comédienne. Il y avait beaucoup de texte, et en français ! « . « Ceux qui ne savaient pas du tout lire peuvent tous lire un texte aujourd’hui » constate Ewlyne. La fondatrice de cette école explique avoir « fait confiance au multilinguisme. La traduction simultanée s’est rapidement installée au sein du groupe selon les compétences linguistiques de chacun. Cela a eu pour effet de stimuler le sens du collectif, une qualité fondamentale au théâtre. » Ce plurilinguisme se retrouve aussi dans les pièces de théâtre, où des passages en langue saramaka sont souvent intégrés. Mais les acteurs n’ont pas forcément les rôles dans la langue qu’ils maîtrisent à la base, au contraire. Pour Kimmy qui y a appris le métier de comédienne, la lecture et l’écriture, le TEK fut  » comme une école« . Ewlyne Guillaume, elle, ne voit « aucun rapport avec l’Éducation nationale. Ce sont deux lieux différents, deux lieux d’éducation certes, mais ce ne sont ni les mêmes techniques, ni les mêmes choses qui y sont enseignées ».

Comment postuler ?

Le recrutement se fait à la suite d’un stage probatoire de 6 à 8 semaines. La sélection se fait sur différents critères : travail en équipe, créativité, réactivité, compréhension des consignes, assiduité… Pour la rentrée 2014, 50 stagiaires sont déjà inscrits pour 20 places. facebook : Cie Kf and Co///Article N° : 12635

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