Rocé : rap au poing

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Seul MC qui rappe « comme un adulte », Rocé revient avec son album Gunz’n’Rocé. Instrus variées, les uppercuts verbaux lancés par ses onze titres poursuivent l’utopie du rappeur exigeant mais pas austère : agir sur les consciences. Rencontre avec un activiste engagé et lunaire.

Depuis L’Être et le réverbère en 2010, Rocé n’avait pas donné signe de vie. Au bar d’un hôtel du 10e arrondissement à Paris, le rappeur attend, le bonnet sur le côté, comme sur la pochette de son nouveau disque Gunz’n Rocé. L’entretien ira aussi vite qu’il a été lent à délivrer sa quatrième galette. « C’est ma vitesse de travail. Je jure que pour les prochains, je mettrai moins de temps ! », semble-t-il s’excuser. Trois ans et seulement une trentaine de minutes pour évoquer dans le détail les textes denses qui figurent sur Gunz’n Rocé.  » J’essaie de m’appliquer et de faire les choses bien ». La qualité des textes est à la hauteur de l’attente. Dès le titre, son amour des mots s’exerce en un jeu autour du groupe bien connu, Guns N Roses.
Critique de la société
Dans le morceau Fil de fer, il dégaine. « Plutôt que d’autres fassent leur beurre avec notre souffrance, notre révolte, je dis que nous sommes mieux placés pour », constate ce grand lecteur de Frantz Fanon et de Kateb Yacine. Le rappeur a mis un peu de leur pensée dans son encre, eux qui appelaient les peuples à s’autodéterminer. Comme au JT, les nouvelles que porte cet élégant sociologue du ter-ter dans ce quatrième album ne sont pas bonnes. « Je ne cherche pas à être négatif, j’aime proposer une critique de la société ». L’un des titres du disque, J’rap pas pour être sympa, a le gimmick entêtant et prend à partie un vous hautain. « Je m’adresse aux élites, à la vieille France et je dénonce. Soit on a les codes et tout va bien, soit on ne les a pas et on est mis à l’écart ». Les mots ne sont pas seuls vecteurs de ses coups portés à la société. Champion du « sport d’écriture »
Lors de son concert sold-out au Divan du Monde à Paris fin février, sa présence scénique se rapprochait de celle du boxeur. « Je ne suis ni violent ni vulgaire et j’utilise un langage soutenu quand je rappe. Cette gestuelle permet de montrer ma détermination à changer les choses. Je ne suis pas résigné ». Son morceau (de bravoure) Assis sur une pierre, le souligne, lui qui dit faire « du rap sale / si tu le lis t’auras des aphtes ». Chez Rocé, l’image est toujours en embuscade. « Pour moi, faire des rimes, c’est un « sport d’écriture » ».
Un exercice de style de haute volée, qui se pratique parfois en duo, notamment avec JP Manova, collaboration notable sur le titre Actuel. Le flow fluide et très agréable de son acolyte, vraie bonne découverte, fustige l’éphémère dans un texte plutôt fun, et fait habituel chez le rappeur à la plume acérée, bien écrit. Avec la chanteuse Hayet notamment, il prépare un autre projet, CaptainSwing « qui avance lentement mais arrive bientôt ». En attendant, c’est en solo que le rappeur montre de quoi il est capable. Vigilance : son album fait mal. Vous prenez le risque de porter plainte pour coups et blessures…
Gunz’n Rocé de Rocé, Hors Cadres /Differant dans les bacs le 4 mars.

Au festival Banlieues Bleues

Savourez les punchlines de Rocé le 23 avril à l’Espace 93 de Clichy-sous-Bois (93) dans le cadre du festival Banlieues Bleues. Du 5 au 26 avril, pour fêter ses 30 ans, ce festival qui honore le jazz en Seine-Saint-Denis vous donne rendezvous pour des créations, des découvertes, des incontournables.

Pour tout savoir : www.banlieuesbleues.org///Article N° : 12561

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